Une littérature dynamique et universelle
La fiction, la poésie et le théâtre brési¬lien représentent environ la moitié de la production littéraire de l’Amérique latine, calculée à partir du nombre de titres publiés. Dynamique, drôle, pro¬vocatrice, sensuelle, gigantesque et mystique, telle est la littérature du Bré¬sil, à l’image d’un pays ouvert à tous les excès, aux courants les plus nova¬teurs, qui sait aussi se replier sur lui¬ même pour retrouver les traits mar¬quants de sa force et de son identité. Tout au long du XIXe et XXe siècles, le Brésil a donné naissance à des œuvres puissantes, à des person¬nages hauts en couleurs, hommes ou femmes, qui restent gravés dans toutes les mémoires. Des régions et des villes entières se sont mises à vivre sous la plume des créateurs, qui ont ainsi acquis leurs lettres de noblesse auprès d’un public qui s’étend bien au¬-delà des frontières, et qui s’est fami¬liarisé avec certains héros ou héroïnes sans jamais les avoir rencontrés. Parmi les centaines d’écrivains qui peuplent le Brésil, le plus universel et respecté est sans conteste Jorge Amado. Il s’est tellement identifié à sa ville, Salvador, que celle-ci est aujourd’hui inconcevable sans lui. Bahia de tous les saints, Salvador l’afri¬caine, sensuelle et délurée, baroque et pleine de vitalité, l’insaisissable. Jorge Amado a créé ou, plutôt, a puisé au fond de sa mémoire des noms deve¬nus mythiques, tels Ouinquin-La¬Flotte, Dona Fior, Gabriela, Tereza Batista ou encore Tieta d’Agreste : ivrognes, mythomanes, mulâtresses provocantes, prostituées au grand cœur ou tenancières de bordel.
Tout le petit peuple du Nordeste, en somme, qu’il a su recréer comme personne pour l’avoir longtemps côtoyé. Des portraits remplis d’humour et de ten¬dresse, des situations où se mêlent le réalisme social et une fantaisie débri¬dée. Un monde particulier, unique, auquel l’écrivain a su imposer sa marque au point d’en acquérir une résonance universelle, à la portée de tous. Mais il y a aussi une autre facette de Jorge Amado, moins connue du grand public, grâce à laquelle il s’est imposé dès ses débuts précoces. C’est celle d’un homme engagé politiquement, membre du Parti commu¬niste (entre les années 30 et 50), per¬sécuté à plusieurs reprises et exilé pendant de nombreuses années, notamment à Paris, où il a été nommé commandeur de la Légion d’honneur par François Mitterrand.
Bien évidemment des centaines d’autres noms font partie de la littéra¬ture brésilienne. Machado de Assis (1839-1908) est reconnu comme le plus grand écrivain brésilien du XIXe siècle, avec son style romantique. Les « modernistes » (peintres, poètes musiciens et artistes en tous genres) qui ont été à l’origine de la semaine d’art moderne à São Paulo en 1922, font aussi partie de ces créateurs dans un mouvement anti-conformiste, dadaïste, et sont les initiateurs du surréalisme à la brésilienne.
Les plus grands modernistes sont Oswald de Andrade, Mario de Andrade, Carlos Drummond de Andrade (aucun lien de parenté entre eux). Tous ont en commun un seul et même credo : l’anthropophagie, basée sur le Mani¬feste anthropophagique, d’Oswald de Andrade (1890-1953). Les règles du jeu ? Dévorer ce que l’on aime et aussi ce que l’on déteste. Macu¬nafma, de Mario de Andrade, est le livre-phare de ce mouvement, qui dis¬paraît en 1929. Guimarães Rosa (1908-1967), auteur d’un joyau universel, Grande sertao : veredas, mais aussi Graci¬liano Ramos (1892-1953), ainsi que Rachel de Queiroz, Clarice Lispec¬tor, Nélida Pinon, Erico Verissimo, Rubem Fonseca et João Ubaldo Ribeiro entre autres font la richesse de la littérature brésilienne.

Peinture de l’histoire du Brésil © David Morimoto
La musique populaire
La musique actuelle au Brésil, c’est surtout ce qu’on appelle la MPB, musique populaire brésilienne, née au début des années 60, presque en même temps que le « Cinema Novo », le nouveau cinéma. Elle a exporté les principaux rythmes du pays aux quatre coins de la planète. Samba, bossa nova, sont des termes qui font à présent partie du patrimoine universel commun. Mais leur origine est com¬plexe, et il a parfois fallu batailler dur pour les imposer. A la fin des années 50, la bossa nova surgit au Brésil. Elle est beaucoup plus sensible, urbaine, « jazzy ». C’est d’ailleurs aux Etats-Unis que ses prin¬cipaux créateurs vont trouver un véri¬table débouché international, en s’accommodant aux nécessités du marché. João Gilberto, Antonio Carlos Jobim et Astrud Gilberto deviennent des stars reconnues, grâce au coup de pouce donné par Stan Getz, qui trouve dans les nouveaux rythmes tropicaux une source originale d’inspiration. A Garota de Ipanema fait le tour du monde.
La chanson est sur toutes les lèvres encore aujourd’hui. Avec la Palme d’or concédée à Cannes au film de Marcel Ophuls, Orfeu Negro, en 1961, la bossa nova conquiert ses lettres de noblesse. Vinicius de Moraes, grand poète et musicien illustre le guitariste Baden Powel et bien d’autres acquiè¬rent une renommée mondiale. Leurs chansons sont reprises un peu partout dans les versions locales quelque peu édulcorées. La MPB s’est enrichie aussi pendant les années 60 avec des jeunes musiciens visionnaires comme Milton Nascimento, Caetano Veloso, Gilberto Gil.
C’était le début de la musique plus ou moins engagée au Brésil, en plein régime militaire. Les Bahianais Caetano et Gil lancent à cette époque le mouvement « Tropica¬lia », en imposant leurs mélodies par¬faitement iconoclastes, dans un mélange de rock et des rythmes tradi¬tionnels, terriblement dansants. Les paroles, elles, étaient des textes urbains, poétiques et parfois irrationnels. Mais celui qui assure la présence tou¬jours vivante et foisonnante des jeunes auteurs compositeurs à l’intérieur même du pays, c’est sans aucun doute Chico Buarque, le plus inven¬tif des paroliers, celui qui sait le mieux s’y prendre pour jouer à cache-cache avec la censure, qui s’exerce d’ailleurs sur tous les plans. Ses auditeurs déchiffrent le sens de ses paroles et le soutiennent. Ces chansons Construção et Fado Tropical, par exemple, deviennent des succès nationaux, et la censure ne les admire pas beaucoup. A cette même époque, Gil, Caetano et Chico sont arrêtés et obligés de s’exiler pendant quelques années. Avec eux, d’autres ont aussi laissé leurs traces dans l’histoire musicale du Brésil. Au pays de Villa-Lobos (1887¬-1959), les musiciens sont légion. De l’ex-rockeur Roberto Carlos, toujours très populaire, devenu le Julio Iglesias brésilien, en passant par Rita Lee, le bahianais Luiz Gonzaga, João Bosco, Elis Regina (décédée prématurément), Marisa Monte, et aujourd’hui les jeunes rappeurs des banlieues ne sont qu’un échantillon dans la constellation musicale brésilienne.
Le Carnaval et les Écoles de Samba
Les Brésiliens se préparent toute l’année pour la « Grande Folie », sur¬nom du Carnaval, qu’ils considèrent comme étant la « plus grande fête populaire du monde ». Dans les rues de Rio, Salvador et Recife, plus d’un million de personnes se déguisent et dansent frénétiquement pendant une semaine, dans un climat bon enfant et familial. Pour les Cariocas, l’événe¬ment le plus haut en couleur est le défilé des Ecoles de Samba. Nées dans les années 1920, à Rio de Janeiro, les Ecoles de Samba sont des associations dont la principale finalité est d’organiser chaque année de luxueux défilés de carnaval. A l’origine, ce sont de petits groupes familiaux de noirs et mulâtres qui s’obstinent à dan¬ser dans les rues malgré l’interdiction de la police. A partir des années qua¬rante, les patrons du très populaire « jogo do bicho » littéralement « jeu de la bête », les bicheiros, en viennent à financer ces écoles. Interdite par la police, cette loterie clandestine bon marché, où les animaux remplacent les chiffres, trouve dans les écoles de samba un excellent marché pour leurs affaires, et offrent au bicheiro-patron une base électorale, grâce à laquelle il peut acheter la tolérance de la police et des politiciens. En contrepartie, les bicheiros versent de l’argent aux écoles. A partir de cet échange lucratif pour tous, les chefs du jogo do bicho ne tardent pas à devenir les présidents d’honneur des écoles.
Aujourd’hui, ils contrôlent toutes les activités concer¬nant les écoles de samba : locaux, fan¬taisies, répétitions, personnels et défilé final sur le Sambodromo, dont le spectacle, il faut l’avouer, est éblouis¬sant et attire tous les ans, des dizaines de milliers de touristes. Pendant toute l’année, on observe une rivalité effrénée entre les écoles. Le désir passionné de voir leur cortège triompher au moment du carnaval ali¬mente les esprits du Carioca, et pro¬voque une ambiance magique à Rio. Dès octobre, les écoles commencent à répéter leur parade du carnaval, le plus souvent le samedi soir. Les séances sont en général ouvertes aux visiteurs, qui paient pour admirer le spectacle. Le concours est extrêmement rigide. Un jury choisit celle qui va triompher durant une année en fonction de cri¬tères complexes : samba enredo (thème musical), percussions, cos¬tumes, chorégraphies, décorations, animation, évolution au moment du défilé, etc.
Formées en général par plus de 2 000 personnes, les écoles de samba se divisent en trois catégories : les grandes, qui intéressent les médias et participent au grand défilé ; le second groupe, composé des écoles moins importantes, qui défilent les jours et les heures où la fréquentation du public est moindre ; et celles de la troisième catégorie, qui défilent dans leur propre faubourg, en attendant une promotion. Les principales écoles de samba sont: Acadêmicos do Salgueiro, Rua Silva Telles, 104 (Andarai), tél : 238-5564. Beija Fior, Rua Pracinha Wallace Paes Leme, 1025 (Nilopolis), tél : 791¬1353. Caprichosos de Pilares, Rua dos Faleiros, 1 (Pilares), tél : 594-5755. Estação Primeira da Mangueira, Rua Visc. de Niteroi, 1072 (Mangueira) tél : 234-4129. Imperatriz Leopoldinense, Rua Prof. Lace, 235 (Ramos), tél : 2708037 Império Serrano, Avenida Ministro Edgar Romero, 114 (Madureira), tél : 359-4944. Mocidade Independente Padre Miguel, R. Cel Tamarino, 38 (Pe Miguel), tél : 332-5823. Portela, Rua Clara Nunes, 81 (Madureira), tél : 390-0471 . Unidos da Vila Isabel, Rua Visconde de Sta Isabel, 34 (Sta Isabel), tél : 268¬7052.